Méthanation, méga-photovoltaïque, éolien, hydrogène : le Larzac n’en veut pas.
Le 23 juillet au soir avait lieu à Sallèles-du-Bosc près de Lodève une ultime réunion au titre de la concertation publique sur le projet Solarzac au Bosc (34).
Bruno Ladsous, co-secrétaire de TNE Occitanie Environnement nous en décrit le déroulement et les enjeux.
Concertation publique en amont de tout dépôt de projet :
De par ses dimensions, un tel projet doit faire l’objet d’une concertation publique en amont, sous le contrôle de la CNDP (commission nationale du débat public) qui nomme à cette fin un garant (réf. ordonnance du 3 août 2016 relative à la réforme du dialogue environnemental).
Le garant de ce débat-ci est Bruno Vedrine, qui avait accompagné notre débat public de Mazamet (30 mai 2018). Précisons que son rôle n’est pas d’intervenir sur le bien-fondé ou non du projet, mais de veiller à ce qu’une information complète et de qualité soit fournie et de veiller à ce que soit garantie la libre expression tant sur les supports mis à la disposition du public que lors des réunions publiques.
Au plan technique :
Rappelons que ce projet, piloté par un opérateur éolien et photovoltaïque de Montpellier (Arkolia) consisterait en la réaffectation d’une chasse privée de 1000 ha, créée il y a plusieurs dizaines d’années en suite de l’abandon du projet du Camp du Larzac – créée dans des conditions limites au plan de l’éthique sinon du droit. Sur cette réserve dévolue en particulier à la chasse au sanglier, des milliers d’ongulés piétinent la terre … Sur les 1000 ha, 400 ha seraient dédiés à un mégaprojet de photovoltaïque au sol entrecoupé de zones qui, selon l’opérateur, seraient rendues à la libre circulation des civils.
Il s’y ajoute un projet de méthanation permettant, par extraction du CO2 de l’air (2000 extracteurs) faisant l’objet de transformations successives selon l’équation de Sabatier CO² + 4 H² à CH4 + 2 H²0, l’hydrogène devant nécessairement être lui-même produit par électrolyse de l’eau.
Sabatier (Paul Sabatier, 1897) est certes un nom du pays, mais çà ne signifie rien.
La présence proche de réseaux de transport d’électricité – relayés par le futur méga-transfo de St Victor et Melvieu – et de conduites de gaz sont évidemment, au point de vue de l’opérateur, un atout essentiel lui permettant de minimiser son investissement.
Il entend également minimiser son investissement par une invitation au tour de table des collectivités concernées (communes incluant Le Cros, Com Com).
Un débat houleux :
Ce débat pourrait se résumer à la question posée par une journaliste de l’AFP :
Avez-vous lu le rapport de l’Ademe de mai 2019 qui recommande de ne pas aller en PV sur des terres agricoles ou à vocation agricole … pourquoi vous entêter, pourquoi mettre la pagaille dans le territoire ?
Réponse du patron d’Arkolia : il faut mener jusqu’au bout ce processus de concertation amont (rapport CNDP fin septembre), après je déciderai quel projet je déposerai parmi les 3 scénarios proposés. Eventuellement un scénario alternatif. Si je devais renoncer à la partie méthanation (scénario 3), il m’en coûtera, car en tant qu’ingénieur le procédé de la société suisse est un procédé magnifique.
Magnifique ? Allez donc le poser ailleurs, lui a-t-il été répondu, quant aux 400 ha de photovoltaïque dispersez-les plutôt sur des friches industrielles, des délaissés routiers, des carrières abandonnées si elles ne peuvent être restaurées comme elles devraient toujours l’être.
Ce qui est apparu dans ce qui fut un débat houleux mais un débat tout de même, en dépit d’une présence gendarmesque déplacée, c’est que l’opérateur – comme nous le voyons depuis 20 ans dans le combat anti-éolien – utilise des mots subtils et des termes ambigus, en voici deux exemples typiques :
– sur l’utilisation de terres agricoles : Arkolia explique que ces terres n’étaient plus à usage agricole depuis longtemps, de sorte qu’il ne retirerait pas de terres agricoles au Larzac, mieux selon lui il lui en rendrait puisqu’il entend y installer des exploitants agricoles en co-activité.
Il a été relevé qu’Arkolia faisait appel à des expertises contestables, incluant Solagro qui est un membre du lobby Negawatt financé … par les opérateurs éoliens et photovoltaïques.
– Arkolia explique que ce projet sera un projet vraiment unique, sans risque de duplication :
Or un intervenant a fait observer qu’un autre projet important de photovoltaïque se fait jour dans le secteur, de sorte que « la combinaison des facteurs ayant mené à ce projet rend impossible la duplication de celui-ci » est une affirmation sans preuve de la part d’Arkolia.
On sentait enfin dans le discours d’Arkolia tout au long de la soirée que l’opérateur a su se mettre dans la poche certains élus, incluant au 1er chef le maire du Cros, village cependant propret et bien tenu qui, comme il sera relevé, a besoin de retenir ses jeunes au pays et de renforcer son attractivité plutôt que d’accueillir une zone industrielle.
Heureusement, il est apparu qu’une majorité des élus – maires, Com Com en écoute – avait compris l’importance de résister au chant des sirènes, le participatif n’étant au final qu’un achat des consciences.
Les risques de ce projet sont majeurs :
Il est ainsi relevé, y compris par des élus, que :
(1) le projet Arkolia n’est pas d’intérêt général ni public.
(2) il artificialiserait durablement des terres, les assècherait quoi que prétende Arkolia, et nuirait à la biodiversité (réf. zone Natura 2000, notamment).
(3) il comporte un risque élevé de retrait du label Unesco et de ses labels Grand Site de France, ce que confirme le délégué régional de la SPPEF – Sites & Monuments :
– la réalité des projets d’exploitation du Larzac par une vaste production d’énergie est beaucoup plus globale que ce que présente ici Arkolia : le PNR des Grands Causses a de grands projets d’éolien, de photovoltaïque, d’hydrogène et de méthane, avec en outre une station-service électricité-gaz industriels près de l’Hospitalet-du-Larzac, le solde ayant pour vocation de répondre à la voracité en énergie des grandes métropoles. Il faut donc voir plus loin que les seuls projets de court terme ici présentés, et refuser également les projets éoliens, encore plus graves pour la protection de l’identité culturelle et paysagère du Larzac.
– cette terre dans la perspective d’un agrandissement du PNR des Grands Causses est déjà à énergie positive, et les chiffres avancés par ce dernier sont insincères. Cette terre n’a donc aucune raison de renoncer à son identité profonde, à ses paysages, à ses traditions culturelles et à sa biodiversité qu’il convient de défendre plus que jamais.
Le patron d’Arkolia prétend alors avoir rencontré la personne ayant instruit le dossier Unesco, qui lui aurait répondu que « du moment qu’il n’y a pas de co visibilité sur le projet depuis l’extérieur et du moment qu’est maintenue l’activité agro-pastorale, pas de problème. ».
Étonnement d’un participant « on ne vous a pas parlé de la nécessité du maintien d’un milieu ouvert ? ». Réponse : « c’était sous-entendu, je pense. ».
Nouvel étonnement (responsable de FNE) : « ça ne peut pas être sous-entendu, car notre richesse depuis des millénaires c’est justement ce milieu ouvert. Sans parler de l’existence d’une aire de nourrissage des aigles royaux » (à cette évocation, gestes et propos de mépris de quelques maires pro-projet).
Lire à ce propos : https://www.sppef.fr/2019/07/19/protegeons-le-bien-unesco-causses-et-cevennes-paysage-culturel-de-lagropastoralisme-mediterraneen/
– il existe au plan régional une proposition alternative à tous ces projets dangereux, dont aucun ne tiendrait la route une minute si les subventions qui les alimentent étaient abandonnées (TICPE, TURPE). C’est la proposition REPOSTA, portée apr TNE Occitanie Environnement.
Les associations environnementales sont sur la même longueur d’onde :
Il est apparu à cette occasion que les grandes associations environnementales nationales (FNE, LPO, SPPEF), régionales (TNE Occitanie Environnement) et locales (Terres de Larzac – Terres de biodiversité, Fédération des Grands Causses) sont sur la même longueur d’onde : pas de méthanation, de méga-photovoltaïque, d’éolien, d’hydrogène sur le Larzac.
En d’autres termes : le Larzac n’est pas une terre à exploiter, ses terres ne doivent pas être artificialisées, son eau rare doit être laissée aux hommes et aux troupeaux, ses grands paysages ouverts doivent être préservés, sa biodiversité exceptionnelle doit être défendue.