La fée électricité a perdu sa baguette (1)

Quel rapport peut-il y avoir entre le black out électrique en Espagne et en partie au Portugal, les sabotages de lignes haute tension et de postes de transformation qui ont plongé Cannes et Nice dans le noir, l’alerte du PDG d’EDF viré par Macron sur le défi que devra relever l’entreprise : la surproduction d’électricité ?

Tous ces évènements révèlent l’aveuglement des décideurs et l’absence d’anticipation, bloqués qu’ils sont dans leur réflexion par la croyance dans la croissance et le techno solutionisme.

La constitution du réseau électrique s’est faite sur le gigantisme. Maillage du territoire français à coup de lignes THT (très haute tension) étendu ensuite à l’Europe, de la Finlande à l’Espagne, sans réflexion sur des solutions techniques différentes, comme inciter à l’autonomie de petits territoires avec des possibilités de solidarité avec les voisins si besoin. 

Ce choix était bien entendu lié au moyen de production ; les centrales nucléaires mais aussi les grosses centrales à charbon ou à gaz induisaient ce type de distribution. On aurait pu penser que la bifurcation vers les énergies renouvelables allait changer la donne, qu’on allait produire et distribuer de façon décentralisée. Pas du tout. 

Ainsi RTE (Réseau de Transport d’Électricité) investit pour la seule Occitanie 712 millions d’euros dans le raccordement des énergies renouvelables au réseau global.

Ces investissements justifient évidemment l’installation de toujours plus d’éoliennes et de photovoltaïque alors même que RTE pointe dans ses rapports sur la production et la consommation d’électricité en France que cette dernière est au même niveau qu’en 2005, alors que la production ne cesse d’augmenter. 

Non seulement les installations d’ENR se multiplient mais les soucis de maintenance des centrales nucléaires sont passés et elles retrouvent leur niveau de production ; enfin l’EPR de Flamanville commence à monter en charge. 

Dans ce contexte EDF arrive à caser son électricité à l’export mais les jours où elle la vend à un coût négatif (c’est à dire où elle paye pour qu’on la lui prenne) augmentent. 

Ainsi en mars RTE a versé près de 12 000 euros par MWh aux pays voisins pour qu’ils prennent l’électricité excédentaire. En outre le réseau a été obligé de dédommager les promoteurs d’ENR pour qu’ils ne produisent pas. 

Donc on subventionne la production en payant l’électricité issue des ENR plus cher que le prix du marché et on paye à nouveau pour stopper la production. Dans ce secteur pile tu gagnes, face pareil !

Devant cette réalité – où l’on produit trop et on continue à accroitre les moyens de production malgré leurs atteintes à la biodiversité et l’artificialisation des sols – les décideurs se retranchent derrière une hypothèse : demain on consommera beaucoup plus donc il faut prévoir. 


Quels seront les relais de consommation espérés : la voiture électrique, l’électrification de certaines production industrielles (acier, béton…) les data centers nécessaires entre autres pour le développement de l’Intelligence Artificielle ? 

Mais cela ne se passe pas comme prévu. Les ventes de véhicules électriques stagnent et les industriels demandent toujours plus d’aides pour passer à l’électricité et trainent des pieds. On essaie bien de relancer la consommation en limitant les aides à la rénovation de l’habitat ou en assouplissant l’interdiction de louer des passoires thermiques mais ça ne suffit pas.

Nous avons donc surproduction, ce qui, il faut le rappeler, peut déstabiliser totalement le réseau, qui par ailleurs du fait de son gigantisme est de plus en plus vulnérable.

Le résultat : un PDG d’EDF qui alerte sur cette surproduction au moment où il quitte son poste comme s’il n’y avait pas contribué durant son mandat ; une énorme panne dans la péninsule ibérique qui reste à ce jour inexpliquée et un petit groupe d’activistes qui, avec des moyens certainement dérisoires, plonge des centaines de milliers d’habitants dans le noir.

Le black out est certainement de ces trois faits, et celui qui devrait le plus nous inquiéter : car soit la cause est volontairement cachée, soit, et c’est nettement plus grave, il n’y a pas d’explication donc pas de remède ni de parade.

Jean POUGNET
pougnet.jean@gmail.com

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