L’éolien ce n’est pas l’eldorado !

Nous voulons évoquer le livre passionnant de Grégoire Souchay, journaliste indépendant, qui écrit régulièrement dans le journal Reporterre. Ce livre est consacré aux conflits soulevés par le développement massif – sur tous les territoires – des parcs d’éoliennes industrielles.
Grégoire Souchay, Les mirages de l’éolien,
Éd. Seuil-Reporterre, 12€, 123 p.

Pour cela quoi de mieux que les explications de l’auteur ; il est interviewé pour le Midi Libre. L’article date du mois de Juillet, mais son contenu est toujours d’actualité. 

Midi Libre – Montpellier, 28 juillet 2018

Énergie. Grégoire Souchay fait le point sur ce symbole de la transition énergétique qui devient un sujet sensible en Occitanie.

Vous prédisez des affrontements autour des parcs éoliens et même de nouvelles ZAD. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?

Effectivement, c’est un risque qui n’est pas à négliger ; Il y a une possibilité que les grands projets d’énergie renouvelable, notamment éoliens, soient parmi les prochains champs d’affrontement pour les luttes environnementales. Autour de l’éolien, il y a une opposition qui se crée et qui n’existe pas dans le solaire. J’ai vu cela dans l’Hérault, l’Aveyron, le Gard et on commence à la voir monter en Bretagne. La lutte se cristallise et se structure.

Il y une sorte d’hybridation au sein des mouvements anti-éoliens, qui associe désormais des personnes issues de l’écologie politique et des propriétaires ou des retraités. Ces conflits autour de l’éolien révèlent en réalité la fracture entre deux visions de l’écologie : développement durable et acceptation du capitalisme contre sobriété et désir d’émancipation.

Les parcs éoliens ont-ils un véritable impact sur l’environnement ?

Oui, bien sûr. Ce n’est pas l’énergie la plus destructrice mais elle exige quand même l’extraction de matières premières, comme le cuivre. Elle implique aussi une artificialisation des sols. Il y a également la question de son impact sur les oiseaux et les chauves-souris. Àl’été 2017, sur les hauteurs de Lodève, on a eu le cas d’un aigle royal tué par une pâle, ou des problèmes avec les faucons.

Les nuisances sonores restent une donnée subjective. On peut comprendre la sensibilité des habitants des zones rurales, brutalement soumis à un bruit industriel, régulier et mécanique. Au niveau de l’impact visuel, on ne peut pas se contenter de dire aux gens : « si vous trouvez ça moche, c’est votre problème ». Beaucoup caricaturent les anti-éoliens en les réduisant au discours simpliste« pas dans mon jardin ». C’est passer à côté de la notion du paysage, qui est une construction de l’homme. Ce paysage est ancré dans l’imaginaire et une éolienne le modifie. L’éolien ce n’est pas l’eldorado qu’on nous a souvent trop vendu.

Ce que vous mettez en cause surtout, c’est le modèle de développement français ?

Ce que je remets en cause, c’est que l’éolien ne change pas le modèle de développement des industries du passé. Bien sûr, ce sont des installations démontables qui ne produisent pas d’effet de serre mais c’est quand même une industrie privée qui se développe avec beaucoup de capitaux et une attente de retour sur investissement.

Àce titre, ce n’est pas très différent de l’industrie pétrolière. Cela ne peut être une vraie solution que si on le pense autrement, de façon plus démocratique et politique. On l’a imposé brutalement, sans l’aval des populations. On a vendu le modèle éolien en promettant un cercle vertueux de création d’emplois et de croissance, une filière dominée par des PME. Or, très vite tout est tombé dans l’escarcelle des géants de l’énergie. Sur le marché de la construction, les entreprises françaises sont hors jeu, désormais toutes rachetées ou liquidées. On parlait d’énergie renouvelable et locale et on se retrouve avec des consortiums.

La lutte anti-éolienne est très intense en Occitanie, bien plus forte que dans le Nord de la France. Pour quelles raisons, selon vous ?

Elle est puissante et organisée autour du collectif Toutes nos énergies qui regroupe 160 associations d’Occitanie. Je pense qu’en Occitanie, la question du paysage est plus importante que dans le Nord de la France. Ça touche à l’identité du territoire : l’Occitanie a un attachement très fort à ses montagnes et ses massifs. En région montagneuse, l’effet visuel de l’éolienne est beaucoup plus important. Dans cette région, comme dans d’autres d’ailleurs, il y a un vrai risque d’industrialisation des campagnes. Certains habitants des zones rurales vivent l’arrivée des éoliennes comme une sorte de néocolonialisme.

Recueilli par Laure Joanin

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