Le 16 janvier 2023, un aigle royal, représentant d’une espèce emblématique et menacée (il existe 40 couples dans tout le Massif Central), a été ramassé mort au pied d’une des éoliennes de Lunas (Hérault). Auparavant, on a pu déplorer la mort d’un vautour moine, espèce en voie d’extinction, de centaines d’oiseaux et de chiroptères chaque année, surtout en 2020, date de l’arrêt des éoliennes par arrêté du préfet. Loin d’être une surprise, ce fait navrant prend place à la suite d’une longue série d’errements du promoteur éolien ERL-groupe VALECO, ceci depuis vingt ans.
La lutte des associations défenseuses de l’environnement regroupées dans un collectif, le collectif pour la protection des paysages et de la biodiversité 34-12, débute en 2003, par un premier permis de construire refusé deux fois au Conseil d’Etat, puis l’acceptation par le préfet de l’Hérault d’un deuxième permis en 2013, sans aucune instruction, donc basée sur une l’étude d’impact datant de 2002.
Une étude d’impact qui devait, suivant la loi, recenser les enjeux environnementaux du projet éolien. Or cette étude n’a pas signalé la présence d’un couple d’aigles royaux dont le cœur du domaine vital était situé exactement à l’emplacement du site éolien, et l’aire à 3 kms de celui-ci.
Mal informé, le préfet de l’Hérault a accordé le permis de construire, sans imposer que le promoteur obtienne au préalable la dérogation que le code de l’environnement exige chaque fois qu’un risque significatif existe pour la faune ou pour la flore.
Les défenseurs de la biodiversité et des paysages ont attaqué le permis de constrire. Au cours de l’instance, il a été constaté que la présence d’un couple d’aigles royaux était connue bien avant la délivrance de ce permis, soit en 2001, et son installation définitive attestée en 2011. Au terme d’un long parcours judiciaire, le permis a été annulé pour insuffisance d’étude d’impact sur l’aigle royal.
Lors de ce nouveau cycle contentieux, le promoteur n’a pas craint d’implanter ses sept engins et de les mettre en marche, dès 2016.
En 2017, le Conseil d’État a annulé définitivement le permis de construire des éoliennes de Lunas.
Le lecteur candide pourrait croire l’affaire terminée. Mais dans notre beau pays, quand on a obtenu des tribunaux de l’ordre administratif l’annulation d’un permis de construire (ou d’une autorisation environnementale qui en tient lieu), il faut recommencer le procès devant les tribunaux de l’ordre civil pour obtenir la démolition de la construction fautive : tribunal judiciaire, cour d’appel civile, et le cas échéant, Cour de cassation.
Pendant ce temps, le préfet, qui avait interdit le fonctionnement diurne des engins, l’a ré-autorisé, d’où le meurtre de l’aigle royal du 16 janvier 2023.
Après avoir gagné en 1re instance, perdu en Cour d’Appel de Montpellier, l’association du collectif a porté l’affaire à la Cour de cassation qui a finalement levé un obstacle juridique que le promoteur opposait à la démolition. Celle-ci a renvoyé le reste de l’affaire à la cour d’appel (civile) de Nîmes.
C’est cette Cour, jugeant sur le fond, qui a donné raison à l’association du collectif 34 ce 7 décembre 2023.
Il reste encore une possibilité que le promoteur tentera certainement : celle de s’adresser à la Cour de Cassation. Cependant celle-ci a déjà jugé sur la forme et renvoyé à la Cour d’Appel de Nîmes pour un jugement sur le fond, les deux Cours ayant donné raison aux associations. Il est donc fort probable que la société ERL-groupe VALECO ne passe pas le filtre de la réadmission à la Cour de Cassation.
Il faudra encore du temps et de la ténacité au collectif d’associations pour veiller à ce que la démolition des éoliennes ait lieu selon la décision finale du juge : celle- ci doit avoir lieu dans les 15 mois sous astreinte de 3000€ par jour, ce qui signifie que si le délai de 15 mois est dépassé sans remise en état complète du site, le promoteur devra verser à chacune des 3 associations requérantes la somme de 1000€ par jour. Le temps est long et la somme trop modeste, puisque 7 éoliennes procurent un chiffre d’affaires d’environ 9000€ par jour…
Marjolaine Villey-Migraine, le 8 décembre 2023