Le jugement récent de la Cour d’Appel de Toulouse vient, pour la première fois en France, de reconnaître qu’un parc éolien industriel apporte un trouble de voisinage qui doit être indemnisé. Le jugement intègre même une reconnaissance de ce que l’on appelle le syndrome éolien : une atteinte à la santé causée par la présence de ces éoliennes.
Pour tous ceux qui se battent pour faire reconnaître les nuisances de ces installations industrielles pour les humains et non seulement pour les chauves-souris et les oiseaux, c’est une victoire importante dont on peut penser qu’elle aura des conséquences pour les combats futurs.
Cependant cette affaire pose d’autres questions : d’une part quant à la responsabilité des promoteurs vis-à-vis de leurs filiales, d’autre part sur la légitimité de certains d’entre eux en particulier les Sociétés d’Économie Mixte (SEM) contrôlées par des villes ou des départements qui investissent hors de leur aire de compétence territoriale.
Qui est responsable de quoi ?
Les requérants, vivant dans le Tarn, avaient mis en cause les deux sociétés exploitantes – Sasu Margnès et Sasu Singladou – (Société par actions simplifiée unipersonnelle) ainsi que leur maison mère qui les possède à 100%, la SA d’économie mixte 3D Énergie, créée par le syndicat intercommunal d’énergie des Deux Sèvres.
Or le juge écarte la responsabilité de 3D Énergie par une pirouette étonnante et ne condamne que les deux coquilles vides que sont Sasu Margnès et Sasu Singladou (aujourd’hui fusionnées). Cette décision est d’autant plus intrigante que le tribunal reconnaît que 3D Énergie a été autorisée par le SIE des Deux Sèvres à acheter ces deux sociétés, qu’elle les dirige et que sur son site Internet elles sont bien répertoriées comme faisant partie de ses réalisations. Tout cela ne semble pas suffire pour prouver la responsabilité de la maison mère.
Pour comprendre sa portée, il faut savoir que les promoteurs n’exploitent jamais directement leur parc. Ils créent systématiquement des filiales à 100%, au capital dérisoire et sans personnel. Pour échapper aux procédures d’appel d’offre, obligatoires à partir de 7 éoliennes et 18 MW, ils scindent leurs parcs (comme l’a fait dans le Tarn, Valorem, opérateur du projet éolien de StAmans Valtoret qui vient d’obtenir par arrêté préfectoral la scission en 2 sociétés). Ils bénéficient ainsi d’un prix d’achat de l’électricité garanti supérieur à ce qu’ils auraient obtenu dans le cadre d’un appel d’offre.
Les éoliennes sont conçues pour fonctionner une vingtaine d’années au-delà desquelles il faudra les démonter et remettre le terrain en l’état. Ceci coûte très cher et bien sûr les promoteurs essaieront de s’en exonérer (les provisions légales pour démantèlement sont de l’avis de tous largement insuffisantes). Si les deux microsociétés propriétaires et exploitantes de ce parc éolien font défaut, 3D Énergie sera-t-elle responsable du démantèlement ?
A lire les attendus de ce jugement il semble que non, puisqu’elle n’est pas jugée responsable des nuisances. La commune de Fontrieu se retrouvera-t-elle avec une friche industrielle sans possibilité de recours ?
Les Société d’économie mixte sont-elles des promoteurs comme les autres ?
Bien que la ministre de la Transition Écologique ait rappelé, suite à la question d’un sénateur, que les syndicats d’énergie accompagnent la mise en œuvre de projets sur le territoire départemental, en proximité et en relation directe avec les populations, cette mission de proximité semble avoir été oubliée par le SIE (Syndicat Intercommunal d’Énergie) des Deux Sèvres. Lorsqu’il crée 3D Énergie c’est avec comme premier objectif une capacité de production de 32 Mw. Aujourd’hui cette société possède en France 8 parcs éoliens dont ceux du Margnès et du Singladou qu’elle a racheté à Valeco (lui-même racheté depuis par le géant allemand EnBW). Nous sommes bien loin des Deux Sèvres et des projets construits en relation avec la population !
On trouve un cas de figure similaire avec Gaz électricité Grenoble (GEG), qui n’est pas un SIE mais une Société d’Économie Mixte dont la ville de Grenoble est actionnaire majoritaire en association avec GDF Suez et qui se présente, sur son site, comme une société locale de distribution d’énergie. Dans le domaine de l’électricité elle contrôle à ce jour 11 centrales hydro-électriques, 24 parcs photovoltaïques et se lance dans l’éolien avec le repowering d’un parc à Rivesaltes (66) et 12 autres sites en devenir. Elle envisage aussi le rachat de 35% du capital d’un projet dit citoyen près de Millau.
A travers ces deux exemples parmi d’autres on ne peut que s’étonner d’une dérive de structures en principe destinées à œuvrer sur leur territoire qui se lancent dans la course aux profits engendrés par les énergies renouvelables un peu partout en France au gré des opportunités économiques. La tendance est forte et se traduit souvent d’abord par des prises de participation dans de petits projets existants sur leur territoire pour se développer ensuite dans des stratégies qui n’ont rien à envier à celles des promoteurs privés. Tout ceci se faisant au nom de la participation à la transition énergétique et sous un label citoyen.
Il est dit sur leur site que « les agents de 3D Énergie interviennent dans les établissements scolaires du département afin de sensibiliser les élèves sur les enjeux énergétiques et l’intérêt des énergies renouvelables pour notre planète. » Les établissements scolaires en question pourraient inviter les riverains des éoliennes du Margnès pour que leurs élèves aient une vue globale du problème !
Jean Pougnet – 04 67 97 51 27 – presse@toutesnosenergies.fr