Laurent Scheyer est directeur de l’écologie à la DREAL Occitanie. Il nous partage son expérience sur l’aménagement du territoire et les enjeux associés à la biodiversité, ainsi que son intérêt pour AdNatura (voir l’interview) en voici quelques morceaux choisis.
Pourquoi la DREAL est partenaire d’AdNatura et quelles sont vos attentes dans ce salon ?
Nous avons du mal à convaincre sur l’enjeu de l’érosion de la biodiversité. J’y suis confronté tous les jours avec l’instruction des dossiers de demande de dérogation de destruction d’espèces protégées. Mon équipe et moi sommes obligés de nous battre pour mettre en avant la nécessité d’éviter et de réduire les impacts liés aux projets d’aménagement…nous devons à chaque fois convaincre au plus haut niveau que ce soit les élus ou encore les chefs d’entreprises qui exercent une forte pression sur les préfets, qui eux sont à l’écoute du territoire (vraiment ? ). Donc au final, certaines décisions sont prises dans une logique économique au détriment de la biodiversité. On peut comprendre qu’il y ait un équilibre à trouver, mais ce juste équilibre s’appuie sur la connaissance des enjeux et la sensibilisation de la société civile. Et souvent la biodiversité n’est pas suffisamment considérée et connue à mon sens.
Le salon peut donc promouvoir l’importance de la biodiversité rare et ordinaire. Il faut aussi une prise de conscience de l’importance de la vie des sols qui est encore un peu inconnue du grand public. Cette connaissance est pourtant primordiale pour se diriger vers de l’agroécologie et une culture ayant besoin de moins d’eau et de traitements.
Comment convaincre tous ces acteurs ?
Il y a déjà une posture philosophique sur le vivant, sortir d’une vision anthropocentrée. On peut se poser la question du droit de vie de toutes les autres espèces. Si on les considérait davantage pour ce qu’ils sont, on leur prêterait peut-être davantage attention. Un autre aspect c’est cette biodiversité qui nous est utile. Pourquoi ne pas s’appuyer sur les services écosystémiques si cela peut être un levier. Pour cela, il faut utiliser des exemples concrets : les mésanges prédatent la chenille processionnaire et les ravageurs de cultures, les chauves-souris mangent plusieurs milliers de moustiques par nuit…
Arrivez-vous vraiment à travailler très en amont sur les projets pour maximiser l’évitement et la réduction ?
Dans la majorité des dossiers, on sent encore trop que certains pétitionnaires n’ont pas bien consulté avant d’imaginer leurs projets. Les faire revenir en arrière sur ce qu’ils ont imaginé depuis un an c’est très compliqué. Notre réponse est simple : ne commencez pas un projet sans nous consulter. Nous allons encore beaucoup trop à la compensation. On pourrait très bien imaginer qu’un maire d’une commune qui souhaite accueillir une zone d’aménagement demande aux services instructeurs où la mettre et de quelle façon. Un autre moyen d’anticiper est de sécuriser des zones naturelles comme des zones humides dans les Plans locaux d’urbanisme (PLU).
Comment concilier la hausse des aménagements et des sols vivants ?
Nous avons une loi ambitieuse qui est le zéro artificialisation nette. D’ailleurs elle est tellement ambitieuse que nous sommes en train de voir comment la mettre en œuvre avec les difficultés d’urbaniser. Mais nous devrons nous tenir à ces objectifs. Le fait de contraindre à réduire le rythme d’artificialisation va pousser à construire la ville sur la ville ou sur d’anciennes friches. Ça va couter plus cher, mais ça sera plus écologique. Auparavant, nous n’avions pas vraiment de levier.
Quel est votre rapport à la nature ?
J’aimerais que les médecins puissent faire des prescriptions auprès des personnes dépressives ou tristes pour s’immerger quelques jours dans la nature et au sein de nos espaces naturels remarquables.(à prescrire aussi aux décideurs !) Ça me fait un bien fou, ça me ressource, m’apaise et m’émerveille.