Contre la cécité de la raison d’état : l’état de nécessité !
Article 122-7 du code pénal « N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »
Le 11 mars 2020 au tribunal de Rodez seront jugées 4 personnes pour outrage et violence envers les forces de l’ordre et l’ordre des forces de RTE (Réseau transport électricité). Elles ont été arrêtées lors d’une manifestation réunissant une centaine de résistants, devant le chantier du méga transformateur de St Victor et Melvieu, le 12 octobre 2019.
4 jours auparavant le hameau de l’AMASSADA était expulsé et détruit par la force gendarmes, blindés et pelles mécaniques. « Force est restée à la loi » avait déclaré la préfète venue assister à l’évènement.
Quel est le contexte ? : Il suffit de fréquenter un tant soit peu les médias sérieux pour documenter ce qui est sûr : une catastrophe planétaire est en cours.
Régulièrement des centaines ou des milliers de scientifiques experts publient tribunes et rapports alarmants. Régulièrement des évènements climatiques rendent sensible l’humeur de la nature. Chaque jour elle manifeste… Quelles qu’en soient les formes, les réactions ou absences de réaction des humains sont massives : catastrophisme, colapsologie, déni, cynisme, angoisse, repli individuel,organisation collective, résistance…
Hormis quelques « perchés », personne ne peut plus dire « on ne savait pas ». Inutile de développer davantage, « on va droit dans le mur » ponctue toutes les conversations.
Et le désastre écologique n’est pas isolé, il est étroitement imbriqué aux questions sociales, géostratégiques, anthropologiques. Le danger est actuel ou imminent. Dès 1972, le célèbre « rapport Meadows » annonçait la couleur : la logique de croissance économique et industrielle n’est pas soutenable…
Autre couleur d’annonce, le pull rouge de René Dumont qui porte la question à la connaissance de chaque citoyen. Ce premier candidat écologiste aux élections présidentielles françaises paraît à la télévision en 1974, prédisant la menace qui pèse sur les ressources naturelles, dont l’air et l’eau, et prédit un effondrement généralisé pour le milieu du XXIème siècle si des mesures drastique ne sont pas prises.
En fait de mesures le monde a été servi puisqu’il s’est agit depuis de tout mesurer, de tout normaliser, numériser jusqu’au diamètre des tomates, pour industrialiser l’ensemble de l’activité humaine si ce n’est l’humain lui-même. Comme pour faire durer l’illusion des trente glorieuses les efforts n’ont pas manqué, qui des partis écologistes, qui des militants et activistes, qui des ONG, qui des lois et incitations pédagogiques ou fiscales, qui des sommets mondiaux et autres grandes incantations, qui de la culpabilisation des consommateurs eux-mêmes.
Aujourd’hui les grandes entreprises supra nationales organisent les marchés dont celui du carbone en demandant aux états la caution règlementaire quand elles ne favorisent pas l’installation de gouvernements mafieux. Tous les partis politiques verdissent mais la croissance reste leur indicateur-phare sans que l’on prenne le soin de lui accoler un complément d’objet. Croissance de quoi ? La prévision du trafic aérien est à la hausse, la vente des « SUV » a progressé en France de 30% pendant la dernière décennie, la 5G s’installe tranquillement, on parle de la 6… Pour ne prendre que des exemples triviaux.
De toute évidence, la combinaison entre les bonnes volontés et les entourloupes du profit ne parvient pas à infléchir la trajectoire apocalyptique. Les acteurs de la démocratie elle-même, aliénés aux lobbies et aux logiques électorales, ne peuvent prendre les décisions forcément douloureuses qui seraient à la hauteur des problèmes. Le vote n’est donc plus un levier suffisant pour impulser l’aggiornamento planétaire nécessaire. Quel autre moyen, pour rester un tant soit peu attaché à la démocratie, que de la secouer ? Manifestations, blocages, grèves, ZAD, lanceurs d’alerte, utilisation des instruments de la justice, comme dernier rempart institué de civilisation.
En ce qui nous concerne à St Victor la voie judiciaire a été privilégiée notamment pour démontrer l’imposture de la déclaration d’utilité publique (association Plateau Survolté). Ce qui n’a pas empêché les brutalités, la destruction et le démarrage des travaux alors qu’un recours déposé au tribunal administratif de Toulouse pour illégalité de la procédure n’est pas encore jugé…
Nous considérons donc l’opposition à la réalisation du projet d’RTE, comme nécessaire à la sauvegarde du bien de l’humanité, sa planète. Dès lors se trouvent réunies les deux premières conditions qui permettent d’invoquer la notion d’état de nécessité (cf. encadré) : une situation de danger actuel ou imminent, un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien.
La troisième condition exige qu’il n’y ait pas de disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. C’est là que doit s’exercer le jugement. En 1940, le danger était avéré, il n’y avait pas d’autre moyen que de lui résister puisque les gouvernants, a minima
temporisaient, a maxima collaboraient. Les deux premières conditions étaient réunies, restait à juger si les actes des résistants étaient proportionnés. Il semble que cela n’ait pas été mis en doute. Cet argument peut paraître déplacé, concernant de « simples et pauvres » militants de l’écologie. Mais qu’on y réfléchisse bien. D’un côté, nous, engagés avec nos corps, de l’autre une puissance industrielle meurtrière, ses moyens de propagande (imposture de la transition énergétique), son idéologie de fuite en avant, servie par des forces de l’ordre instrumentalisées, mercenaires sur deniers publiques.
Les mêmes qui prêtent main forte pour déloger les campements de réfugiés ou les locataires qui ne payent pas leur loyer. Ne voyez vous pas que le monde que vous servez est moribond. Comme la troupe au 18 mars 1871, refusez de faire le jeu des puissances mortifères qui d’ailleurs vous méprisent! La résistance est la propriété d’un composant à s’opposer au passage du courant électrique. Son unité de mesure est l’ohm.