France Stratégie est une institution autonome placée auprès du Premier ministre qui publie des analyses de fond, et des études de prospective à moyen et long termes pour contribuer à la décision publique et à l’information de l’opinion. Elle a ouvert un espace contributif où les opinions et les propositions pour préparer la sortie de crise pourront se confronter, être discutées, et s’enrichir mutuellement. Cet espace vise à faire émerger des pistes, des principes d’un modèle d’action publique pour la France après la crise, en intégrant une vision de long terme.
Bruno Ladsous (ladsousbruno@gmail.com) co-secrétaire du collectif TNE-Occitanie Environnement a participé à cette réflexion. Voici en quatre épisodes les quatre parties de sa contribution.
1. Quelles interactions humains-nature, mondialisation et pandémies.
2. Quelles attentes à l’égard de la puissance publique face aux risques ?
3. Quel modèle social pour « faire avec » nos vulnérabilités ?
4. Quelle voie pour une économie soutenable ?
1) Quelles interactions humains-nature, mondialisation et pandémies ?
La pandémie du Covid 19 révèle les fragilités de l’espèce humaine confrontée à sa propre expansion dans un univers fini. L’anthropisation croissante de la planète met en contact l’espèce humaine avec des organismes vivants dans un espace-temps trop rapide pour qu’elle ait pu assimiler cette relation sous le format d’anticorps : en résultent les formes graves de cette épidémie-ci.
Que les alertes précédentes (ARS, grippe H1N1 …) et cette pandémie aient pris leur origine en Chine ne doit rien au hasard : l’ensemble des pays occidentaux at trouvé leur compte dans cette division du travail ; l’usine de la planète a crû trop vite, en multipliant les risques environnementaux. Mais ceci aurait tout aussi mal pu se produire dans l’Insulinde ou en Amazonie.
Derrière cette anthropisation excessive, se révèlent les effets pervers d’un mode de vie et de développement, d’un système de consommation et de production basés sur la recherche de profits s’appuyant mécaniquement sur une déprédation environnementale : extractivisme, artificialisation des sols, pollutions des eaux et de l’air, surexploitation des ressources vivantes, mondialisation des échanges et culte du superflu (que Voltaire prétendait « très nécessaire »), mondialisation des échanges : un cocktail détonnant pour toutes les zoonoses et les pandémies à venir s’il n’y est mis un peu d’ordre.
Illustration par un documentaire récent de Jeff Gibbs produit par Michael Moore, Planet of The Humans, la forte contextualisation « Amériques » est compensée par un degré de sincérité et d’esprit universaliste peu contestable. Une transposition française est possible sur les questions de fond qu’il soulève, et que l’on peut trouver, sous une forme prophétique, dans la lettre encyclique Laudato Si du 24 mai 2015
Cette crise systémique (sanitaire, écologique, économique, sociale, politique) a pour seul côté positif la possibilité de faire émerger la prise de conscience du caractère global de l’humanité.
Pour autant, il conviendra de trouver un point d’équilibre dans les orientations à prendre dans les mois prochains et les années qui viennent, et s’assurer de garanties d’indépendance – tant vis-à-vis des idéologies que des lobbies industriels et financiers – dans les décisions cruciales qui s’imposeront
=> proposition : veiller, par un contrôle démocratique permanent/rigoureux, aux conditions d’indépendance et de pertinence – économique, sociale, écologique – des orientations et des décisions à venir.
Il existe une unité du vivant où chaque espèce doit trouver sa place : l’espèce humaine, qui a osé s’assigner un rôle conducteur, a une responsabilité profonde, et doit cesser de coloniser sans limites. Elle doit également équilibrer enfin le partage des richesses entre Nord et Sud de la planète.
=> proposition : le moment n’est-il pas venu d’un véritable Plan Marshall au bénéfice du Sud que marquent trop ces pauvretés que sont la pauci-scolarisation des enfants et des filles en particulier, l’insuffisance d’accès aux soins et aux biens de première nécessité (eau par exemple) ?
Pour le Nord, il faudrait apprendre à penser autrement la technologie, en organisant la transition vers de nouvelles pratiques (mobilités, habitat, agriculture…), et en maîtrisant les nouvelles technologies, pour réduire, voire éviter, les pratiques déprédatrices et spéculatives. Les technologies de la communication et de l’information par leurs capacités de manipulation, de lobbying et de corruption remettent en cause les bases de la vie démocratique.
=> proposition : la R&D (Recherche et Développement) peut être l’avenir de l’homme et d’une humanité toujours plus curieuse. Mettons donc en place des mécanismes de régulation pour la rendre plus vertueuse, tournée vers le progrès –tant spirituel que matériel – de l’humanité et du vivant. Et renforçons, dans cet esprit, la R&D publique.