Attention danger : droit à dérogation pour les préfets

Sur le blog Droit Administratif Jean-Baptiste CHEVALIER avocat au barreau de Rennes, attire notre attention sur une évolution du droit menaçante pour l’environnement. 

Depuis décembre 2017, une expérimentation menée dans plusieurs régions et départements permet aux préfets de prendre des décisions dérogeant à la réglementation nationale (mais non à la loi), dans certains domaines et sous certaines conditions. Malgré le recours des amis de la Terre le Conseil d’État a validé ce dispositif : le décret n°2020-412 du 8 avril 2020 pérennise et généralise ce droit de dérogation.

Qu’est-ce que ça change ? 

Chaque préfet pourra déroger aux normes arrêtées par l’administration centrale afin, sous certaines conditions, de tenir compte des circonstances locales. Vous voyez … ces arrêtés dérogatoires ont été pris principalement dans deux domaines : en matière de soutien économique aux acteurs économiques et aux collectivités territoriales et en matière environnementale, agricole et forestière.

Par exemple, le rapport au Sénat montre que ce droit de dérogation a pu être mis en œuvre en Vendée, pour dispenser d’étude d’impact et d’enquête publique un projet de parc éolien, ou dans l’Yonne, pour construire une usine de méthanisation en zone bleue d’un PPRI, ou encore en Vendée, pour restructurer une station d’épuration des eaux usées ou pour réaliser une digue de protection contre la mer en site classé sans autorisation ministérielle.

Bien sûr il y a des conditions … heureusement, et les arrêtés préfectoraux dérogatoires pourront être contestés … Il n’en reste pas moins que « Ce décret ne comporte pas de garanties permettant d’éviter des mesures dommageables à l’environnement par les préfets », estime Sébastien Le Briero, avocat spécialisé en droit de l’environnement, cité par Laurent Radisson sur le site d’Actu Environnement. L’article poursuit : « Il est sûr que les enquêtes publiques, notamment, et sans doute toute l’évaluation environnementale, vont en souffrir », juge aussi le docteur en droit Gabriel Ullmann, qui voit dans ce décret, un texte bien utile pour faciliter la reprise. Sur ce dernier point, le ministre de l’Intérieur ne lui donne pas tort. « Dans les prochaines semaines et les prochains mois, le pouvoir de dérogation des préfets pourra être un outil utile pour faciliter la reprise de notre pays », confirme Christophe Castaner dans son communiqué. 

Dans quelles conditions va se faire la reprise au plan de la protection de l’environnement ? Il est à craindre que la période de pandémie ne soit pas perdue pour tout le monde !

Sur le fond, deux principes majeurs sont mis en cause :

  • Le principe de l’égalité devant la loi, puisque chaque préfet pourra l’interpréter en fonction des particularités locales (et du poids des lobbies correspondant) ;
  • Le principe de non-régression selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment.

Il faut lire l’article de Jean-Baptiste Chevalier … nous en aurons besoin.

2 réflexions au sujet de “Attention danger : droit à dérogation pour les préfets”

  1. Bien sûr de nombreux Préfets ont avant toute chose le sens de l’Etat, le sens de l’intérêt général : ceux-ci pourront s’appuyer sur la QPC du 31 janvier 2020 (la protection de la santé et la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, constituent tous deux des objectifs de valeur constitutionnelle) https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2019823QPC.htm : à la fois sur le versant Santé (riverains) et sur le versant Environnement (biodiversité notamment) de cette QPC, ils pourront à ce titre exiger des services instructeurs une rigueur absolue.
    Mais il y a aussi ceux-là : ces préfets ayant reçu des objectifs chiffrés qu’ils se gardent bien de rendre publics et qui pour leur carrière vont accepter sans barguigner les pires projets, il y a aussi ceux qui le font parce qu’ils ont été vérolés, pollués par l’idéologie ambiante. C’est à cause de ces préfets-là que ce décret est une erreur profonde.

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