Énergie : quels enjeux ? … un billet d’humeur

Lundi 28 novembre, dans toute l’Occitanie, des associations ont manifesté devant la préfecture de leur département, contre la loi d’accélération des énergies renouvelables, dénonçant son caractère anti démocratique et son mépris pour la biodiversité. 

Dans quelques semaines, quand sortira le projet de loi sur l’accélération de l’énergie nucléaire destiné à simplifier les procédures pour installer les EPR promis par Macron, nous aurons certainement d’autres manifestations mais les participants des unes et des autres ne se croiseront pas, s’ignoreront au mieux se combattront peut-être. 
Pourtant s’ils dépassaient leurs approches superficielles, ils pourraient constater que leurs adversaires sont les mêmes : les énergéticiens.

Gaz, nucléaire, solaire, éolien, méthanisation… pour eux tout est bon pour produire de l’énergie électrique pourvu que cela soit rentable. 

On peut multiplier les exemples  

  • EDF est dans le nucléaire, l’éolien et le photovoltaïque ;
  • Engie, le gaz, l’éolien, l’hydraulique ;
  • derrière Volkswind il y a le Suisse Axpo qui fait aussi dans le nucléaire ou les énergies fossiles ;
  • Valeco a été racheté par l’Allemand EnBW lui aussi multicarte ;
  • On ne présentera par Total énergie qui a racheté Quadran pionnier français des éoliennes flottantes et investi dans le photovoltaïque au sol, et non pour du greenwashing mais parce que ça rapporte ;
  • Et enfin, cerise sur le gâteau, un nouvel arrivant sur le marché : CGN qui veut dire Chinese General Nuclear power, filiale du groupe chinois qui a déjà racheté à EDF ses éoliennes en Angleterre.

La liste n’est pas close !

Applaudir EDF quand elle projette 120 hectares de photovoltaïque comme sur le plateau de la Margeride en Lozère et la combattre quand elle prépare six EPR est un non-sens et bien sûr l’inverse est vrai. 

Dans son récent schéma – présentant les infrastructures nécessaires pour évacuer les 6800 MW supplémentaires d’énergies renouvelables prévus en Occitanie – RTE envisage, entre autres, la construction de 250 km de nouvelles lignes électriques, 14 postes de transformation d’une surface moyenne de 3 à 5 ha et l’extension de 8 autres. Pourtant dans le même dossier, faisant un état des lieux énergétique, RTE pointe que la consommation en Occitanie n’a pas augmenté depuis 2014 et que la région produit autant d’électricité qu’elle en consomme. 

Alors pourquoi devrait-on produire plus si l’appel des pouvoirs publics à la sobriété est autre chose qu’une blague ? 

Pourquoi avant de débattre des intérêts respectifs de telle ou telle énergie – discussion sans fin qui doit bien amuser les énergéticiens – ne devrait-on pas revenir aux besoins pour réfléchir à la manière de les satisfaire ?

Le problème de l’énergie n’est pas un problème technique mais une question politique qui sous tend des choix de société. 

Sur les enjeux de démocratie, d’autonomie des citoyens, il devrait pouvoir exister des espaces de débat entre tous ceux qui se battent contre ces multinationales qui imposent depuis longtemps les choix énergétiques censés être décidés par la représentation nationale sous le nom de politique publique de l’énergie. 

Jean Pougnet

4 réflexions au sujet de “Énergie : quels enjeux ? … un billet d’humeur”

  1. Il se trouve que ce ne sont pas les mêmes énergéticiens qui perçoivent les mêmes revenus des énergies qu’ils produisent : De nouveaux énergéticiens ont surgi depuis 2001 parce que le ministre EELV Yves Cochet du gouvernement Jospin a décidé de doubler le prix d’achat par EDF des seuls KWh éolien et photovoltaïque au détriment du KWh du complexe national EDF avec ses grands barrages et ses centrales thermiques (gaz, nucléaire, charbon, fuel). Tous les investisseurs se sont jetés sur cette manne financière sans aucun souci des environnements que ces nouvelles énergies dégradent : artificialisation de terres naturelles ou agricoles, destruction des biodiversités, émissions supplémentaires de CO2 pour compenser par de nouvelles centrales thermiques l’intermittence et la non-pilotabilité du très faible taux de charge de l’éolien (25 %) et du photovoltaïque (15 %). Le subventionnement de ces énergies renouvelables est un formidable signal pour les spéculateurs, multipliant les projets et l’occupation des sols auquel il faut ajouter les tranchées et lignes de connexions au réseau public (<RTE). L'Union Européenne a encore aggravé la progression du désastre énergétique en créant un marché européen de l'énergie et l'interconnexion, sous prétexte de concurrence créant par là une myriade de vendeurs-brokers d'une bourse de l'électricité qui ne sont que des intermédiaires et non des producteurs.
    C'est bien contre ces nouveaux phénomènes qu'on appelle énergies nouvelles renouvelables ou ENR et leurs promoteurs avides qu'il faut se mobiliser, les empêcher de continuer à détruire tant les territoires que les productions électriques stables et non carbonées et non tenter d'orienter le combat contre ENR et promoteurs dans un Gloubi-boulga contre toutes les énergies qu'elles soient carbonées, décarbonées, fossiles, renouvelables, nucléaires …
    Les citoyens ne se mobilisent, protestent et s'opposent que lorsque nous les informons de projets menaçants, destructeurs à côté de chez eux. Nos associations le savent bien qui réussissent à faire partager leur message contre les seuls projets ou les réalisations qui les menacent à proximité de leur habitat, seulement dans leur proximité.
    Ah, ce serait donc du "pas chez moi", du Nimby ? Et alors, le fric mal gagné de l'éolien et des grandes centrales photovoltaïques c'est pas du "dans la seule poche des seuls propriétaires et revendeurs d'ENR" ?
    Nous échouerons à tenter de rassembler les citoyens autour des anti-nucléaires et les anti-éoliens (pour une désignation simple qui fait court mais résume bien le thème) dans une dénonciation généreuse et générale d'un besoin et d'une consommation d'énergie électrique et d'un système politique bien plus large et complexe que les moulins à vent ou les neutrons : le modèle de production-distribution français et européen de l'énergie.
    Les seuls qui profiteraient de l'inévitable échec de cette tentative de rapprochement et de notre dispersion, notre dilution dans des combats généraux mais sans objectif concret local serait les promoteurs des ENR subventionnées, et on leur fait confiance pour avancer plus vite et plus loin leurs projets quand nous mettrons toutes nos forces et celles de nos associations ailleurs qu'à s'opposer à leur projet local.

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  2. Le mérite du billet d’humeur de Jean Pougnet est, à mon sens, d’ouvrir une perspective en élevant un tant soit peu le débat. Certains préfèrent éviter tout débat. Sans appel.
    Si on lit bien ce qu’écrit Jean Blin, ce qui n’est pas si facile, je retiens par exemple ceci :
    “Les citoyens ne se mobilisent, protestent et s’opposent que lorsque nous les informons de projets menaçants, destructeurs à côté de chez eux. ”
    Existe-t-il une quelconque centrale de production électrique d’importance qui n’entraîne aucune destruction, de la biodiversité, des paysages, du cadre de vie des habitants ? Qu’elle soit nucléaire, thermique, éolienne, photovoltaïque, bio-méthanière… ?
    S’il s’agit d’exister en dénonçant tout ce qui, ici ou là, apporte des transformations durables, alors tous les moyens de production d’électricité sont à dénoncer.
    Mais exister pour quoi ?
    Pour accepter par exemple le repowering des éoliennes déjà construites, du moment qu’elles sont loin, comme l’a fait Jean Blin dans le journal l’Indépendant, à plusieurs reprises ?
    S’il s’agit de trouver des solutions collectives à la satisfaction des besoins humains, alors la discussion est nécessaire.
    Et à quelque niveau que cela soit, elle doit toujours être possible.

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  3. Oui: “ouvrir une perspective en élevant un tant soit peu le débat.”! Pour cela on peut partir du fait que l’empreinte carbone annuelle par habitant en France est de ~10 tonnes, alors qu’il faudrait qu’elle soit de … ~2. Pour arriver à la neutralité carbone en 2050, plusieurs organismes ont formulé des options ( voir notamment https://transitions 2020.ademe.fr) ce qui renvoie au problème de la pratique démocratique en France qui est représentative, alors qu’elle devrait être directe car permettant l’implication des gens.

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