Projet de charte 2022-2037 du PNR des Grands Causses

Le point de vue que les associations aveyronnaises
ont défendu lors de l’enquête publique

Riche et dense, le dossier présente des qualités, mais il souffre de contradictions fortes :
D’un côté il affiche une volonté de respecter des contraintes et des enjeux très forts à forts :

  • le plan de gestion en vigueur du Bien Unesco Causses et Cévennes, qui exclue l’éolien de sa zone cœur et de sa zone tampon 
  • une richesse paysagère remarquable
  • un patrimoine bâti diversifié, souvent original
  • un secteur d’une grande richesse en avifaune et chiroptères, y compris en flux migratoires.

De l’autre il entend réaliser une transition énergétique à marche forcée, à base de + 41% de puissance éolienne installée sous 20 ans. Un objectif qui s’oppose au respect de ces contraintes et enjeux forts, cartographiés et reconnus, objet d’alertes et recommandations vigoureuses de l’autorité environnementale, du CNPN et de la fédération des PNR.

Le PNR non seulement ne répond pas clairement à ces demandes, mais il occulte des informations essentielles telles que l’exclusion de l’éolien du Bien Unesco. Au risque d’un retrait de l’agrément.

Si cette contradiction essentielle n’est pas convenablement résolue, le Préfet de Région devra refuser cette Charte en son état présent, au motif que le projet énergétique est incompatible avec les missions statutaires du Parc. Bien entendu, dans un premier temps il conviendra de demander au Parc de corriger ces anomalies.

Un dossier dense : qu’il s’agisse du projet de Charte proprement dite, de ses nombreuses annexes ou même de l’évaluation environnementale, le constat de toutes les instances consultées est de dire : remarquablement fouillé et analysé, mais c’est trop. Trop, et du coup le public appelé à participer à l’élaboration d’une décision ayant un impact sur l’environnement (article 7 de la Charte de l’Environnement) ne peut plus discerner ce qui est important de ce qui ne l’est pas. Or ce qui est important tient en trois points :

1. objectifs de qualité paysagère (OQP) : 

Ils sont clairement identifiés mais ne sont pas assortis de plans d’action démontrant l’ambition du parc de leur assurer une protection forte. Rien ne vient démontrer une volonté de résorber – progressivement – les points noirs cependant identifiés.

Le CNPN rappelle que « L’exploitation du potentiel éolien du territoire du parc naturel régional des Grands Causses constitue une menace réelle pour l’avifaune, les chiroptères et les paysages notamment dans la perspective de la durée de 15 ans de la future charte. Les PNR ont la mission de protection du patrimoine naturel et des paysages et celui des Grands Causses à matière à s’y inscrire avec son rôle essentiel pour la survie de grands rapaces et la préservation de son authenticité paysagère », puis fait part de sa réserve.

Ainsi le CNPN identifie une contradiction entre la mission du PNR pour la préservation des paysages d’un côté, sa volonté de développer à marche forcée l’éolien industriel. Ces deux objectifs sont incompatibles. Mais nulle part le Parc ne répond à cette réserve, il n’en fait pas mention et ignore le sujet alors que celui-ci est central au regard de sa mission statutaire.

2. Protection de la biodiversité :

Le CNPN et l’autorité environnementale réitèrent la critique précédente, émettant des recommandations dont l’importance quantitative et qualitative (y compris le choix des mots « … n’est pas crédible ») témoigne d’un doute profond du Conseil quant à la réalité de l’engagement du PNR pour la protection de la biodiversité.

En voici un parmi d’autresl : mentionner les items de l’encart « Aménagement, planification et enjeux de biodiversité » devant faire l’objet d’une attention particulière au titre du rapport de compatibilité des documents d’urbanisme avec les dispositions de la charte ; Or nulle part dans la Charte le Parc ne s’engage à donner suite à cette recommandation. Il laisse aux Com Com la possibilité de voter des PLUi à leur sauce : la sauce éolienne, ainsi de la Com Com Muse et Raspes du Tarn qui a voté une modification des limites maximales de hauteur éolienne dans son quartier.

3. Transition énergétique, quels choix ?

On ne peut être plus clair que le CNPN dans son avis : « La Commission reconnaît l’engagement du parc sur la maîtrise du développement éolien sur le territoire, mais considère que cette nouvelle charte avait matière à franchir une marche environnementale supplémentaire pour mettre en adéquation les enjeux de conservation du patrimoine naturel et des paysages, mission première des PNR, avec ceux de la production d’énergie naturelle renouvelable comme, dans ce cas, avec l’éolien.

« La Commission tient aussi à rappeler les missions des PNR telles que précisées à l’article R. 333-1 du Code de l’environnement, qui doivent guider la rédaction de la charte :

  • protéger les patrimoines naturel et culturel, et les paysages,
  • contribuer à l’aménagement du territoire,
  • contribuer au développement économique, social, culturel et à la qualité de la vie,

« La Commission considère que la mission de protection d’un PNR constitue le socle de son action sur laquelle reposeront les contributions et les réalisations prévues. Le PNR mène ainsi une action de développement durable découlant – et s’appuyant sur – des fondamentaux de protection des patrimoines et des paysages qui caractérisent l’authenticité de son territoire et l’originalité de son projet.

« Maîtrise du développement de l’éolien : l’exploitation du potentiel éolien du territoire du parc naturel régional des Grands Causses constitue une menace réelle pour l’avifaune, les chiroptères et les paysages notamment dans la perspective de la durée de 15 ans de la future charte. Les PNR ont la mission de protection du patrimoine naturel et des paysages et celui des Grands Causses à matière à s’y inscrire avec son rôle essentiel pour la survie de grands rapaces et la préservation de son authenticité paysagère.

« La Commission fait part de sa réserve.

En examinant les cartes sud et nord figurant dans le dossier, on vérifie que prévoir une hausse de 41% d’éolien en 2050 sur le PNR est incompatible avec les cartographies émanant des services de l’Etat : le porté-à-connaissance de la DREAL Occitanie nov. 2021 et le rapport de la DDT-12 de 2020 ci-dessous : 

Au vu de ces contraintes et enjeux forts à très forts, il faut arrêter tout éolien nouveau sur le PNR, même à titre de repowering compte tenu des parcours migratoires intenses qui traversent le Parc. Il faut éviter (le E de la séquence ERC).

Pour toute suite aux recommandations du CNPN, le Parc se borne à évoquer des dispositifs de bridage et de détection-effarouchement, dont chacun sait cependant  qu’ils sont inefficaces (63% d’efficacité en matière de bridages chiroptères, selon la SFEPM). 

Le développement à marche forcée des électricités renouvelables ruine les deux missions principales du PNR : la protection des paysages et la protection de la biodiversité. Il n’y a que sur le photovoltaïque au sol et l’agrivoltaisme que le Parc se montre à peu près rigoureux.

Aux critiques des instances consultatives le Parc se borne à répondre par des mots renvoyant à l’idée qu’on peut lui faire confiance. Mais pourquoi ferions-nous confiance à un PNR qui n’est pas même capable de respecter le plan de gestion en vigueur du Bien Unesco Causses et Cévennes.

En effet, le CNPN rappelle que le plan de gestion du Bien Unesco exprime que l’éolien industriel est exclu de la zone cœur et de la zone tampon. Or, malgré cette règle explicite les projets se multiplient en zone tampon, que le Parc avalise discrètement en modifiant les numérotations, ainsi de l’annonce officielle le 20 avril d’un retrait de la zone éolienne n°19 qu’il réintègre ensuite sous le n° 17.

Ainsi, le PNR ne se sent pas tenu de respecter et faire respecter le Plan de gestion en vigueur du Bien Unesco. Au point d’oublier de rappeler dans ses tableaux de «  prise en compte » la règle précitée. Pire, en p. 471 des annexes décrivant le SCHEMA EOLIEN DU PROJET DE CHARTE la carte se garde de faire apparaître la zone tampon du Bien Unesco (seule y apparait, en couleur jaune, la zone cœur) :

Ainsi, le PNR présente au public un dossier incomplet sur le sujet le plus sensible, comment peut-on oser jouer ainsi avec la morale et l’éthique ?

CONCLUSION :

Face aux enjeux environnementaux majeurs dans un territoire d’une grande richesse patrimoniale, paysagère et en biodiversité (espèces protégées et leurs habitats, couloirs migratoires), enjeux au cœur de la mission du PNR des Grands-Causses, le projet majeur de celui-ci (éolien +41%) n’est pas recevable. Le PNR non seulement ne répond pas aux alertes posées par les instances ayant à en connaître, mais il cache au public des informations essentielles. Il n’apporte aucune assurance raisonnable de prévenir correctement les impacts et risques pour l’environnement résultant de cette option. 
Cette contradiction essentielle n’étant pas convenablement résolue, elle devra selon nous mener l’autorité décisionnaire à refuser la Charte en son état présent au motif que l’une des ambitions qu’elle affirme n’est pas compatible avec une poursuite de sa mission.

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