C’est une longue histoire, débutée dans les années 2005-2006 par une des plus anciennes associations anti-éoliennes d’Occitanie, l’association Engoulevent. Opposée à l’implantation d’éoliennes sur la commune de Fraysse sur Agout au col de Fontfroide, l’association a mené une longe bataille juridique, a multiplié les recours, mais a perdu la bataille finale devant le conseil d’État en juillet 2012.
Si nous revenons sur cet arrêt du Conseil d’État c’est que certains de ses attendus sont fréquemment opposés aux associations qui mènent des recours en justice. En particulier parce qu’il donne raison à la cour administrative d’appel de Marseille qui considérait que les éoliennes devaient être regardées comme des « équipements d’intérêt public d’infrastructures et ouvrages techniques qui y sont liés ».
C’est donc au nom de l’intérêt public que le Conseil d’Etat, dépourvu de repères objectifs sur une question technique complexe, impose à des territoires qui n’en veulent pas des projets éoliens. Et a donc rejeté la demande de Engoulevent.
Voici le point de vue de Bruno Ladsous, pour qui l’arrêt Engoulevent du Conseil d’Etat du 13 juillet 2012 est une horreur juridique. (ici en PDF), parce que produire de l’électricité spécifiquement éolienne n’est ni d’intérêt public ni d’intérêt général.
La France n’a plus de politique environnementale, au-delà du mot « écologie » employé par des gouvernants qui ne connaissent plus la Charte de l’environnement comme il est constaté dans nos contacts avec le ministère dit de la transition écologique. Sa politique écologique est tout au plus une politique énergétique modelée par une idéologie et par les pressions de la Commission européenne pour renforcer la concurrence (censée conduire à une baisse des prix, mais avec les EnR c’est tout le contraire qui se produit) qui a conduit au démantèlement d’EDF.
Aucune rigueur scientifique ni logique dans cette politique : d’ailleurs, les EnR intermittentes à quoi se résume cette politique conduisent à une hausse des émissions de CO2.
Le service public de l’électricité n’est pas une obligation au sein de l’Union européenne (art. 3 directive 2009/72), qui définit le secteur de l’électricité est défini comme un simple « service d’intérêt économique général » (SIEG).
C’est cependant au nom de l’intérêt public que le Conseil d’Etat, dépourvu de repères objectifs sur une question technique complexe, impose à des territoires qui n’en veulent pas des projets éoliens. Il s’agit de l’arrêt Engoulevent N° 345970 du 13 juillet 2012. Un arrêt d’autant plus grave que la justice civile y fait référence désormais.
Cet arrêt évoque en effet … un intérêt public tiré de sa contribution à la satisfaction d’un besoin collectif par la production d’électricité vendue au public. C’est du charabia.
Produire de l’électricité spécifiquement éolienne n’est pas d’intérêt public ni général
L’objectif de la transition écologique n’est pas de produire de l’électricité, a fortiori éolienne dès lors que celle-ci est seulement un moyen : or, l’éolien est le moyen de produire de l’électricité le moins efficace au plan technique (intermittent, erratique, non pilotable), au plan environnemental (il contribue à l’augmentation des émissions de CO2 et il détruit l’environnement au sens de la Charte de l’environnement, en particulier il détruit de la biodiversité) et il est le plus ruineux pour l’économie : il nuit à la sécurité d’approvisionnement et il a pour effet avéré une augmentation des prix de l’électricité.
Dès lors qu’il est plus destructeur que contributeur au bien-être de la Nation, dès lors qu’il n’est pas le vecteur le plus efficace sur tous les plans parmi les sources d’énergie électrique, l’éolien ne peut par un artifice de langage être tiré comme relevant de l’intérêt public : 150 ans de jurisprudence démontrent qu’un « intérêt public » doit être qualifié, et a minima être référencé au regard de la pyramide des textes ci-dessous appelée « ordonnancement juridique » :
Un indice : si l’éolien était d’intérêt public, autrement dit si vraiment il concourait à la sécurité d’approvisionnement de la France et des français (caractéristiques qu’il ne présente pas puisqu’il est intermittent et non disponible à tout instant), alors il devrait faire l’objet d’enquêtes d’utilité publique suivies de DUP, et non de simples enquêtes publiques qu’en outre le gouvernement s’évertue à rogner : décret Lecornu du 24 décembre 2018 (expérimentation en Bretagne et en Hauts-de-France d’enquêtes totalement dématérialisées), loi ASAP septembre 2020.
S’agit-il pour autant d’un intérêt général et non plus public ?
Ici encore ce serait discutable au vu du puits sans fond que constituent les EnR intermittente (rapport Cour des Comptes du 18 avril 2018), et avec le recul de vingt ans : régression de l’environnement, destruction de paysages séculaires, contribution au repli général de la biodiversité. Et augmentation corrélative des prix. Dès lors, on voit mal en quoi l’éolien pourrait relever d’un « intérêt général », notion qui dans le sens commun fait référence aux intérêts, valeurs ou objectifs partagés par une population dans son ensemble.
Un plan d’action
Face à cette erreur juridique, à cette horreur juridique qui prospère au mépris des fondements juridiques sur lesquels doit vivre une Nation éclairée et moderne, TNE propose un plan d’action afin de remettre du bon sens et du droit sur cette question à l’évidence dévoyée : sur saisine du Premier Ministre, créer un groupe de travail pluridisciplinaire piloté par le Conseil d’État afin de rénover le Code de l’énergie avec pour résultat attendu :
… définir précisément les obligations de service public durables attachées à la production et à la fourniture d’électricité ;
… en déduire une répartition claire de ces obligations selon les acteurs ;
… définir les processus de suivi y afférant.
Participations : outre les représentants des ministères concernés et deux représentants des organisations résultant du démembrement de l’opérateur historique, il conviendrait de prévoir :
- trois associations de consommateurs
- un représentant d’associations de contribuables
- deux associations du domaine caritatif
- deux associations de protection de l’environnement généralistes (paysages, biodiversité …)
- deux associations de protection de l’environnement relevant du cadre de vie
- trois représentants du monde consulaire : agriculture, commerce-industrie, métiers-artisanat
- un représentant des syndicats de distribution départementaux d’électricité
- deux représentants des opérateurs privés
Comment qualifier les impacts d’un projet éolien ou autre ?
L’arrêt Engoulevent spécifie clairement comment doivent être qualifiés et appréciés les impacts d’un projet, en se fondant exclusivement sur les intérêts visés à l’art. R 111-21 du code de l’urbanisme :
… apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ; les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d’intérêts divers en présence autres que ceux visés à l’article R. 111-21.
Art. R 111-21 : Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales.
La rédaction de l’art. R 11-21 est claire, mais elle ne traite pas explicitement de la biodiversité : il faut donc toujours soutenir que la biodiversité fait partie de nos paysages naturels.
BONJOUR,
EOLIENNES D’UTILITE PUBLIQUE, ET D’INTERÊT COLLECTIF AUSSI
il me semble que l’association Hurlevent (34) a reçu aussi un jugement plus récent qui traitait de l’intérêt public majeur (D’un projet) , et aurait eu gain de cause sur cette affaire.. en tout cas de bons arguments… mais peut-être sur un autre plan – celui d’un site éolien particulier? à suivre…
En 2010, l’avocat de l’asso APPREL a tenté la même chose, en spécifiant que certes l’électricité fournie est publique, mais la société actrice du projet est bien privée …. je pense que cet argument était logique et pourrait être ré-utilisé (même si ça n’avait pas marché il y a longtemps)
« Rénover le Code de l’énergie »: cela signifierait demander un amendement à ce code? seuls des députés intéressés par ce sujet pourraient -ils faire un amendement au code d l’énergie, juste pour les EnR? improbable….
Le problème qui demeure : la fourniture d’électricité sera définie comme un service public tant que EDF sera une entreprise publique d’Etat:
Le 24 octobre 2005, EDF a signé avec l’Etat un contrat de service public de durée indéterminée qui précise les modalités de mise en œuvre de ses missions de service public.
En 2020, l’Etat détient près de 84% du capital social d’EDF!
Comment peut-on contrer cela? le juge ne fait qu »appliquer les textes.
mon commentaire n’est pas publié
est ce un oubli?
marjolaine VM
Il est publié…