La transition énergétique n’est pas écologique

Nous remercions la rédaction de l’Empaillé de nous autoriser à publier cet article, écrit par nos amis Jean Pougnet et Michèle Solans. L’Empaillé est un journal occitan, indépendant dont la parution est trimestrielle. Le n°6 est en vente dans les kiosques de la région. Pour plus d’infos et pour s’abonner : l’Empaillé.

L’Empaillé, n°6

L’histoire de l’éolien en Occitanie, presque trentenaire, mérite d’être regardée avec intérêt tant elle reflète la connivence des politiques publiques en matière de production d’énergie avec les stratégies des promoteurs. À partir de là, le seul but des consultationsco-constructions et autres concertations est de nous faire avaler des pilules de plus en plus amères… Voici le lien au journal ou en PDF.

Les principaux problèmes posés par le développement de l’éolien industriel sont identifiés depuis longtemps même si les promoteurs continuent de les nier. À commencer par l’atteinte à la biodiversité, qui n’est pas que le fait des machines elles-mêmes, tuant principalement oiseaux et chiroptères et détruisant leurs habitats, mais aussi de toute l’infrastructure nécessaire à leur fonctionnement : socles de béton, déforestation pour les pistes d’accès, aires de travail, tranchées de dix à quinze km pour évacuer le courant et raccorder au réseau… Tout cela n’est jamais évalué rigoureusement. On artificialise les sols en milieu rural quand on essaye de les restaurer dans les villes. Les paysages s’enlaidissent, et l’on crée des centrales industrielles en plein Parc Naturel Régional (PNR) ! (1)

(1) Ainsi des centrales éoliennes situées à Murat, Barre, Cambon et Salvergues dans le PNR Haut Languedoc ; dans le Levézou en plein PNR Grands Causses, avec en sus le méga transformateur à St Victor et Melvieu.

Une « corruption sociale » liée au secteur éolien

Même s’il existe peu de cas de corruption au sens judiciaire (on attend quand même depuis dix ans le procès d’un ancien maire de Lacaune pour prise illégale d’intérêt), de fait, sous couvert de discours visant à lutter contre le changement climatique se cache pour tout le monde une course au profit. Que ce soit les propriétaires qui louent les terrains, les municipalités ou les intercommunalités qui touchent les taxes et bien sûr les promoteurs privés (2) tout le monde ne parle que d’argent. Et quand on veut faciliter l’acceptabilité des projets on rajoute un peu de finance participative, façon élégante d’acheter les citoyens en manque de placement intéressant.

(2) On peut distinguer plusieurs types d’intervenants sur le marché éolien. Il y a d’abord les industriels qui fabriquent les machines, essentiellement allemands et danois : Vestas et Enercon trustent 56 % du marché. Viennent ensuite les exploitants qui gèrent les machines. Derrière les leaders Engie et Edf, on trouve des canadiens, des allemands et plus récemment des coréens et des chinois. Dix-neuf sociétés pilotent l’essentiel des parcs. Ces exploitants ne sont pas toujours propriétaires des installations. Ils peuvent les avoir développées puis revendues à des financiers qui en font des placements « verts ». Parmi eux des fonds de pensions, des compagnies d’assurances, ou encore des banques comme celle des évangélistes par exemple.

Ainsi en Occitanie on compte déjà près de 900 éoliennes en fonctionnement. Il y en aura 1600 supplémentaires si tous les projets aboutissent. La filière éolienne revendique 2000 emplois, y compris les emplois induits, mais oublie de dire que ceux-ci sont situés à 90% sur Montpellier, Toulouse et Béziers, tandis que les dégâts sont dans les campagnes que ce soit sur l’environnement ou sur l’activité économique (baisse de la valeur de l’habitat et de la fréquentation touristique, disparition de gîtes ruraux, expropriation de paysans, etc.).

En milieu rural, la population est clairsemée, une majorité est âgée et peu familière des mobilisations. La coupure entre néo et habitant·es du cru ne favorise pas les choses. Le plus souvent, le combat se déplace alors sur le terrain judiciaire. Récemment, plusieurs victoires peuvent être saluées. Ainsi un couple a réussi à faire reconnaître le syndrome éolien (3) par un jugement définitif de la Cour d’Appel de Toulouse. Malheureusement cela n’a pas débouché sur le démontage des machines mais simplement sur le paiement d’indemnités. Autre réussite, à Ferrières-Poussarou (34) où le Conseil d’État a annulé une autorisation préfectorale de destruction d’espèces protégées, ce qui annule l’autorisation du parc éolien. Arrêt très intéressant car il refuse la raison impérative d’intérêt public majeur, concept flou qui permet souvent de justifier de nombreuses atteintes à l’environnement.

(3) Selon l’académie de médecine, « l’éolien terrestre affecte au travers de ses nuisances sonores et surtout visuelles la qualité de vie d’une partie des riverains et donc leur état de complet bien-être physique, mental et social lequel définit aujourd’hui le concept de santé. » C’est la première fois qu’un tribunal français le reconnaît. Malgré ses recommandations dès 2017, aucune étude épidémiologique n’a été faite en France sur la santédes êtres humains vivant proches de centrales éoliennes.

Citons aussi la lutte exemplaire de la population de Puissalicon et des communes voisines au nord de Béziers, qui a conduit le préfet à refuser le permis de construire, même si la société Volkswind a depuis fait appel. Enfin dans la Montagne Noire, à Arfons (81) une belle mobilisation a permis de faire reculer Valorem (4) face à l’unanimité des communes. Par ailleurs, sur Les Martys, le préfet a refusé le permis de construire à la société Oswind et celle-ci a décidé d’assigner l’État devant le tribunal afin de contester cette décision. Association et habitant·es des Martys ainsi que la ville de Mazamet ont fait savoir au préfet de l’Aude qu’ils le soutenaient. 

(4) À noter que son PDG, Mr Grandidier, est candidat régulier sur les listes EELV aux Européennes.

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